Vivre avec un strabisme

Le problème esthétique


Préalable : répétition de ce qui est noté dès la page d’accueil de ce site :

Miroir : pour se voir danser, oui.

Pour évaluer son strabisme, non !

Un sujet strabique ne peut pas évaluer l’esthétique de ce strabisme dans un miroir. Il doit le faire sur des photos, ou en demandant à son entourage objectif. Pas sa mère qui lui dit qu’il est le plus beau malgré un fort strabisme qui le complexe, ni sa meilleure amie qui dit d’un air navré " Non, mais c’est vrai que moi je ne pourrai pas vivre avec un strabisme comme le tien" alors que son strabisme ne se voit presque jamais.


Un problème esthétique donc psychologique et social

Lorsque le strabisme est marqué, le problème esthétique devient aussi psychologique et social, parce qu’une disgrâce physique a souvent des conséquences psychologiques et sociales.

Dans mon expérience les problèmes (c’est à dire les moqueries) surviennent à l’école lorsque les enfants se retrouvent de fait en compétition, c’est à dire lorsqu’ils commencent à être notés. Ils comparent alors les notes, mais aussi tout ce qui peut être comparé, y compris le physique.


Chez l’adulte, souvent, communiquer avec un strabisme « consomme » des ressources. L’orateur strabique doit penser à la fois à la façon de gérer son strabisme et à son discours. Ce n’est pas systématique, mais chaque strabique sait s’il est concerné ou non par cette difficulté.

Réflexions de seniors strabiques décidés à se faire opérer en raison des réflexions de leurs petits-enfants :  « j’ai bien réussi ma vie, mais je suis pense que je serais allé encore plus loin si je m’étais fait opérer avant » .

Les strabismes, au quotidien, posent trois problèmes :

- esthétique, souvent améliorable par des moyens médicaux. Lorsque ceux-ci ont été épuisés et ne suffisent pas, on fera appel à chirurgie bien conduite, si possible, une chirurgie réglable sous anesthésie locale (chez l’adulte et l’adolescent motivés).

L’esthétique est volontairement placé avant le fonctionnel. Ce n’est pas l'habitude en médecine, mais il faut être un pur théoricien de la strabologie sans aucune empathie envers ses patients pour ne pas savoir l’importance d’un regard esthétiquement normal dans notre société où l’apparence physique est la deuxième source d’injustice après l’argent.


- fonctionnel léger : c’est l’absence de vraie vision binoculaire (et c’est bien sûr un problème plus important que l’esthétique dans les rares cas où le strabisme s’accompagne de diplopie (vision double) gênante).


- fonctionnel important : en cas de diplopie (vision double) ou d’amblyopie strabique (mauvaise vision d’un œil). Bien que dans ces cas, le fonctionnel prime évidemment sur l’esthétique, ces cas sont heureusement de plus en plus rares.

L’absence de vraie vision binoculaire



- Est-ce qu’un enfant qui n’a pas de vision binoculaire voit le monde tout plat ? Fermez un œil. Vous n’avez plus de vision binoculaire. Voyez-vous le monde tout plat ? Non, vous voyez encore le monde en relief, avec une profondeur et une bonne notion de la distance.


Plusieurs mécanismes permettent de voir en relief. Le plus fin est la vision binoculaire mais d’autres interviennent aussi, qui sont particulièrement développés en l’absence de vision binoculaire. Ce sont principalement :

- le chevauchement

si l’arbre masque la maison,  c’est que l’arbre est devant la maison;

- les ombres

Sur une photo, le relief (celui du sol en particulier, les creux et les bosses) est effacé par temps nuageux avec un éclairage diffus. Il est renforcé par un éclairage ponctuel comme celui du soleil par temps clair, surtout si le soleil est bas (le soleil de midi « écrase » les ombres).

De même, un sujet strabique aura une meilleure vision des relief avec un éclairage ponctuel.

- la connaissance de la taille des objets et la perspective: si un avion est vu tout petit, alors il est très loin.


L’absence de vision binoculaire est peu handicapante en dehors de situations particulières. Elle interdit d’être pilote de ligne, mais aussi d’être champion de tennis.

Certains parents renoncent à entraîner leur enfants aux jeux de balle et de ballon parce que le strabisme rend ces jeux plus difficiles. A l’inverse, il faut entraîner ces enfants encore plus que les autres, et ils deviendront performants, même s’ils ne seront pas champion du monde.

La diplopie

L’adulte jusque là indemne et chez lequel apparaît un strabisme voit double : les deux yeux ne regardent pas au même endroit, ce qui fait que chaque œil perçoit une image très différente de l’autre.


Le jeune enfant chez lequel apparaît un strabisme (ou qui présente un strabisme congénital) ne voit pas double parce que son cerveau s’adapte en neutralisant l’image de l’un des deux yeux. Neutraliser, cela signifie que le cerveau gomme la partie centrale de l’image de l’œil qui ne regarde pas. Cette adaptation, qui ne peut s’installer que chez l’enfant, persiste toute la vie… A moins que.

A moins que le sujet strabique ne décide de chercher à percevoir l’image des deux yeux à la fois (de faire travailler les deux yeux ensembles). Il y a alors deux possibilités :

- soit les connexions cérébrales permettant au cerveau de …/…


L’amblyopie strabique


L’amblyopie unilatérale devient heureusement rare. Chez l’adulte, elle est irréversible.

La principale conséquence est de devoir faire attention à éviter tout accident bête touchant le bon œil.   Voir ici.

…/…fusionner les images des deux yeux se sont bien mises en place avant un stade critique (vers 18 mois), et le sujet peut y gagner une vraie vision binoculaire,

- soit il n’a aucune possibilité de vision binoculaire et il risque de voir double toute sa vie.


C’est pourquoi, chez l’adulte, il ne faut pas essayer de faire travailler les deux yeux ensembles (ni tout seul, ni par une rééducation intempestive amenant à déneutraliser), sauf si on a la certitude qu’une vision binoculaire est possible.